Dernière saint Valentin

14 février 2011

Mon amour,

Quelles sont ces larmes qui ruissellent sur tes joues et frappent le sol avec autant de violence?
Je t’avais pourtant promis que cette année, de nous deux, c’est moi qui ferais le cadeau le plus mémorable… Mais une fois encore tu ne m’avais pas crue !

Plus de dix années ensembles…

Je t’avais fait le sacrifice de tout, même de mes entrailles, simplement parce que tu n’avais jamais désiré d’enfant hors mariage et cela malgré l’immensité des sentiments que tu prétendais avoir pour moi.
Je t’étais docile, comme un chien à son maitre, je buvais tes paroles comme le miel doux de korhogo. Tu avais réussi à m’infantiliser, au point que mes moindres décisions nécessitaient, au préalable, ton assentiment.
Je ne me plaignais pas. J’aimais cette candeur que tu faisais éclore en moi. Je baissais la garde au seul son de ta voix.

Que de promesses ont jalonné notre parcours, la plupart, non tenues.
Je ne devais rien lui envier à elle, vulgaire mère porteuse de cette progéniture dont tu étais pourtant si fier, ces deux héritiers qui devaient être les uniques semeurs de la lignée de tes pères.

Je t’aimais de mon amour innocent, coupable cependant de te partager avec une autre.
J’ai été, tout ce temps, la femme de l’ombre, celle sur qui tu t’épanchais pour exprimer tes moindres détresses, ta conseillère dévouée.
Ce privilège de ta confidence, renforçait en moi le sentiment que si tu avais vraiment eu le choix, ç’aurait été moi, Madame Toi.

Mais les choses étaient un peu plus complexes. Je devais donc me contenter de ces quelques moments d’intimités volés.
J’étais prisonnière volontaire de toi.

C’est avec douleur qu’à Noël j’appris que ta dame, attendait un heureux évènement. Le sacre de votre amour qu’elle croyait si parfait, une trinité à constituer pour l’harmonie de la famille. Elle priait de toute sa foi de chrétienne pieuse, que le bon Dieu, par le Saint Esprit, lui accordasse une fille cette fois…

Devais-je me sentir catastrophée, lorsque l’horrible nouvelle nous parvint ce 1er janvier, alors que nous savourions tendrement nos premiers instants d’amour de l’année?

A te voir aussi anéanti d’avoir tout perdu, je compris brusquement que les mots que tu m’avais dits jusque là n’étaient que mensonges!
A vrai dire, tu l’avais toujours préférée à moi, qui n’étais qu’un bouche-trou quand ton agenda offrait des créneaux vides.

Je ne me suis jamais réjouie de la mort brutale des deux garçons et de leur mère enceinte, dans ce terrible accident de la route… Mon cœur était rempli de compassion à ton égard, mais ce que tu voyais en moi c’était la cause de ton malheur! Le salaire de notre péché!

J’ai pourtant pleuré de mes larmes sincères, inconsolable que cet évènement vienne chambouler notre vie organisée. Je portais déjà le deuil de nos beaux jours.

J’étais devenue une pestiférée à tes yeux. Tu ne faisais que me refouler alors que mon seul souhait était de te soutenir, t’aider à alléger ta peine.

La semaine dernière, quelle ne fût ma surprise d’apprendre, de mon gynécologue, que germait en moi, depuis 2 mois, le fruit que tu ne m’avais jamais autorisé à porter.
Comment était-ce possible?
Pour toi, j’avais toujours pris mes précautions.

Jusque là, j’avais associé mes coups de fatigue et mes nausées, à la mélancolie qui grandissait en moi, depuis que tu n’étais plus toi.
Je n’ai eu aucune réaction à l’annonce du médecin.
J’avais fini par m’habituer à ce ventre creux…

Ce matin, je me suis réveillée, le cœur en paix de ma décision ferme.
Notre chemin s’arrête ici. A jamais!

Le meilleur cadeau d’adieu que je puisse te faire en ce jour, c’est le souvenir douloureux que tu porteras désormais en toi, tel le lourd fardeau de Sisyphe.
L’âme torturée que je suis devenue grâce à toi, s’en va rejoindre les tiens dans l’au-delà.
Peut-être, très vite nous rejoindras-tu?

En attendant, je te laisse savourer pleinement cette dernière Saint Valentin au goût amer.

Celle qui t’aimait!

10 réflexions au sujet de « Dernière saint Valentin »

  1. Oh bien belle mais triste histoire d’amour douloureuse.Tous les ingrédients sont réunis pour les feux de l’amour:adultère,infidélité,maitresse,épouse légitime,sacrifice,rivalité,grossesse,solitude,préférence de femmes,décès,futur naissance,séparation,refaire sa vie.La réalité dépasse la fiction. »s’en va rejoindre les tiens dans l’au-delà. »J’espère que tu ne vas pas faire de betises,toi qui attend un heureux évènement.Elever un enfant seule,sans père est un challenge qu’il faut relever.Contrairement à ce que l’on croit,etre la favorité d’un homme n’est pas forcément la meilleure place au monde.C’est une souffrance.Tu as tout donné à cet homme que tu as aimé sincèrement,tu n’a rien reçu en retour.IL ne te méritait pas.Tu as droit aussi à ta part de bonheur avec quelqu’un qui saura t’aimer pleinement oh oui,oui…

    • Bonne analyse Rita.
      Effectivement, certaines réalités dépassent la fiction. Cette nouvelle est un condensé des maux que beaucoup de femmes endurent, souvent dans le silence.
      Heureusement, ce texte ne me concerne ni de près, ni de loin. J’ai seulement une tendance à ressentir facilement les déboires de femmes et à les coucher sur le papier (ou le clavier… je ne sais plus comment on le dit depuis que nous sommes devenus esclaves des ordinateurs).

  2. Famchocolat,femme toujours aussi secrète.Pardon,un jour il faut raconter raconter aussi pour toi oh.Tu as raté ta vocation,tu aurais pu etre une scénariste de film.Tu peux t’associer avec Yehni.J’étais prise dans l’histoire du début jusqu’à la fin.Vous feriez un tabac toutes les deux.Merci pour ce partage d’émotions à l’état brut.J’ai les yeux remplis de larmes,quel talent de raconter oh…

    • Ah ah ah ton commentaire m’a pliée de rire 😀
      Merci merci d’avoir été si réceptive à l’histoire! Promis un jour (seulement un) je me raconterais sans voilure.
      Parfois (pas toujours) dans mes poèmes je me glisse en filigrane… Mais n’oublie pas que je suis aussi nouvelliste…
      Imagine Stephan King vivre tout ce qu’il raconte! Huuuum ça ferait peur hein!
      Si tu relis who’s Famchocolat, tu remarqueras le point sur mon imagination qui déborde tellement à vouloir me faire exploser la tête…

      A l’initiative de Yehni, on collabore pour 225nouvelles, c’est sûr que ce n’est que le début d’une longue aventure avec beaucoup d’autres auteurs ivoiriens.

    • Merci beaucoup…
      Un peu comme pour les films, j’aime ressentir les émotions des personnages en me mettant dans leur peau.. Là s’arrête, leurs liens avec moi 😉
      Je te souhaite une bonne soirée.

  3. Une histoire d’amour merveilleusement bien écrite, mais tellement triste, à se demander si l’héroïne a connu le moindre instant de bonheur. Elle a toujours su qu’elle venait après l’épouse, en a souffert et ses maigres espoirs se sont finalement effondrés.

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